je viens encore vous lire, toutes
je chante parfois à d'autres que toi
Mercredi 28 mars 2018 à 1:06
je viens encore vous lire, toutes
Mercredi 1er mars 2017 à 1:19
Pas si loin le périph comme une muraille nous protège de Paname - c'est plutôt calme ici, entre les jardins les usines et les tours, entre les papis les poussettes et les dealeurs, il y a un côté hors du temps, la petite église, le parc, les ponts métalliques, les portails et les grillages, un truc hybride entre la cité, la ville industrielle et le village de province, ici tout est plus doux, le tumulte de la capitale est proche mais il s'émousse et ne traverse pas la porte de Montmartre, alors on s'enfonce dans la ville en direction du canal, au loin le Sacré coeur devient minuscule et là on respire entre les halls d'immeubles
Tarek au coin de ma rue prenait le soleil et dès que je l'ai vu j'ai été frappée par la foudre. Aujourd'hui encore il lui arrive de prendre le soleil au coin de ma rue et aujourd'hui encore j'ai envie de pleurer dès que je vois sa silhouette au loin adossée au mur - je la vois et c'est un mirage dans le soleil – je la traque, Tarek je cherche ton ombre dans les rues, petit colibri, dans tes rues dans les miennes, des fois je me demande “il me fuit ?”, je m'affole, puis je vois ta dégaine qui s'amène, cheveux au vent pilon à la bouche dans ton survet moyen, pâle et nerveux, avec ton débit mitraillette et tes expressions à pioncer dehors, je te vois et ça m'éloigne du 93, je te vois puis je nous vois tous les deux sur le port de Sète, avec les bâteaux de marchandise et le bruit des mats au bord du canal et les mouettes et la lumière flottante du bord de mer, mais non on est toujours en Seine Saint Denis, ok ok ok mais bon mes créoles et mon accent du sud ça t'aide pas à voir plus loin que le coin de ma rue ? Je m'en fiche de Paris, des bars de belleville et des buttes chaumont - ici le PMU, le périph comme une muraille, le sacré coeur qui devient minuscule, les docks, tout ça je le garde Tarek si tu es avec moi.
"J'fais l'tour de ta ville
Je m'ennuie et j'retourne à la mienne"
Jeudi 26 janvier 2017 à 2:00
J'en clamserais certains soirs de mon côté de l'Atlantique que ta peau soit si loin que ton port soit si loin et moi toujours dans ma chambre sous les toits de Saint Ouen
Vendredi 13 mai 2016 à 6:19
CLIQUE CLIQUE CLIQUE !
Souvenirs de voyage // les sons de Valparaiso, la voix de Victor, la poésie de Neruda
Le droit à ne pas se définir ?
Jeudi 5 mai 2016 à 19:40
Si je me définis, c'est parce qu'on me le demande. Bisexuelle, pansexuelle ? Panromantique ? Déjà, je n'aime pas cette rupture opérée entre attirance sexuelle et amoureuse. Si vous les utilisez, ces termes, je m'en fiche, je l'entends et le respecte, je le comprends même, mais ne m'en affublez pas ! Je ne veux pas être définie par ma sexualité, ni aux yeux des personnes hétérosexuelles, ni aux yeux des autres, pour qui ma sexualité sera un droit d'entrée, une validation tacite de ma présence et de mes propos. Si j'essaye de ne pas oppresser mon entourage, ce n'est pas parce que j'appartiens à une minorité sexuelle, mais parce que j'ai lu et écouté, parce que je me suis intéressée aux choses. Mon orientation sexuelle n'a rien à faire là dedans. C'est une orientation, pas une identité. Mon orientation sexuelle n'est pas militante, ce qui l'est ce sont mes choix, mes engagements, mes actions.
Je ne veux pas me définir. Je revendique le droit à ne pas me définir. Je ne veux pas que ma vie soit un coming out constant, je ne veux pas que mon orientation sexo-amoureuse intéresse qui que ce soit. Même moi, elle m'intéresse si peu... Je ne veux pas à avoir nommer quoi que ce soit pour devenir valide à vos yeux. Parce qu'une fois nommée, mon orientation ne m'appartient plus, elle devient politique, publique, discutée, elle entraîne sa vague de discriminations, dont les plus insidieuses sont les positives. Me définir, c'est braquer mon regard et celui d'autrui sur ma sexualité. Je ne suis pas bisexuelle, je ne suis pas pansexuelle, je ne suis pas demisexuelle, je ne suis rien de tout ça. Je suis étudiante, géographe, comédienne, nageuse, je suis amie, amoureuse, amante. Je n'ai pas d'identité sexuelle, juste une identité. Définir mon orientaion sexuelle ne m'est pas nécessaire. Je n'en ressens pas le besoin, encore moins l'envie. Ne qualifie pas mon corps, ne qualifie pas ce que j'en fais, même si tes intentions sont bienveillantes, je ne le souhaite pas. Quand tu diras « Mélie est bisexuelle », tu diras des conneries. Si tu as creusé un peu plus, peut-être diras-tu que je suis pansexuelle, mais non, je ne le suis pas, parce que j'en ai pas envie. Si toi tu as besoin de cases et de mots, je le conçois et le respecte, mais ne-me-les-ap-pli-que-pas, ça ne me concerne pas. Jamais je ne nierai ton identité, alors ne qualifie pas la mienne. Peut-être, plus tard, je le souhaiterai. Aujourd'hui, non. Ce n'est pas un manque de courage, je ne me voile pas la face, j'assume et aime les personnes avec qui je couche, mais ça ne regarde que moi. Alors, je n'ai aucune raison de le verbaliser.
Tu cuerpo es un campo de batalla
Lundi 11 avril 2016 à 17:58
C'était étonnant, cette rencontre, avec Duna. Duna est une amie de Pilar, la colocataire de Natalia, une mexicaine lesbienne qui traîne dans les bars alternatifs de Madrid. Natalia m'avait dit, Mélie viens à la maison, ce soir on fait une fête avec Pilar, il y aura plein de monde, Jacob et Federico viendront jouer, on a des amplis. Elle était trop fière de son coup, le concert clandestin dans son appart, ça sentait surtout la police qui débarque à une heure du matin et qui vire tout le monde en essayant de calmer les voisins. La soirée avait pourtant été chouette. Les garçons jouaient une espèce d'électro bâtarde, un peu véner, un peu punk et un peu gueularde. Je papillonais, évaporée au milieu de tous ces gens hauts en couleur, alors que moi je m'étais attifée de mes baskets sales, d'un legging noir et d'un pull bleu foncé qui me tombait sur les genoux. Je faisais tâche au milieu. Natalia était bourrée dès minuit, comme souvent. Saïd était resté avec moi. Saïd est un bruxellois qui bosse au samu social de Madrid depuis six ans. Il est grand et élancé, très beau, une peau mate et soyeuse, de petits yeux verts clair. Il est très doux, un peu pince sans rire, un peu grinçant mais bienveillant. C'est lui qui m'a présentée à Duna. Sur le coup, j'ai bloqué sur elle. Grande et déguingandée, cheveux bruns et bouclés, avec une grosse tête qui paraissait être posée sur un corps trop fin pour la soutenir. Elle portait une robe verte, une écharpe rouge et une veste noire, une paire de lunettes, des baskets bleues sur ses pieds immenses. Il y a, chez Duna, un mélange de grâce et de maladresse. On sent une oscillation, une difficulté à bouger dans l'espace, à placer son corps vis à vis des autres, à rester debout et à savoir quoi faire de ses bras, de ses jambes et de ses pieds. Sa joue gauche est recouverte de cicatrices dûes à l'acné, elle n'essaye pas du tout de les cacher, elle a maquillé sa bouche et ses yeux mais elle n'a rien fait pour dissimuler ces marques. Saïd s'est vite éclipsé. On est parties dans tous les sens, avec Duna. Elle parlait vite, avec une voix grave, et pleins de mots d'argot madrilène que je comprenais pas. Elle passait souvent la main dans ses cheveux, croisait les jambes, les décroisait, se faisait un chignon pour le détacher deux minutes plus tard. Je lui ai dit hé, Duna, pose toi, viens je vais fumer une cigarette, accompagne moi, tu en veux une ? Duna ne fume pas et en boit pas non plus d'alcool. Elle m'a quand même suivie sur le balcon. Dans la rue, c'était le bordel habituel de Lavapiés, les mecs qui jouent de la guitare et de la clarinette sur la place, qui boivent du café et fument des joints en s'embrouillant sur tout et sur rien. On a longtemps discuté avec Duna cette nuit là. Je me sentais instable face à elle, je soignais mes mots. J'essayais de rire d'une manière détachée, tout ça... Et je lui ai dit, tiens, petite, tu es souvent dans le coin ou pas, on pourrait se revoir, peut être, parce que, voilà, ce serait bête, de se rater, de passer à côté d'un truc chouette, alors, dis moi, j'habite à côté, passe quand tu veux.
Par la suite, on en s'est plus vraiment lâchées l'une et l'autre.
Est-ce que l'on peut en tant que personne cisgenre, parler de la vie d'une personne trans ? Bien sûr que cette fille, j'ai du mal à y faire face. Parce que, malgré tout, accepter l'identité de Duna ne suffit pas. Il faut la comprendre, plus que la comprendre, il faut apprendre, s'y éduquer, s'approprier les mots et les concepts, pour maintenir l'indifférence et la négation, même involontaires, a distance. Le corps de Duna est politique. Il est politique dans le sens qu'il ne lui appartient pas, dans le sens qu'il est malgré elle une chose publique. Le corps de Duna ne lui appartient pas. Sans cesse il est observé, questionné, remis en question, il est incompris et insulté. Les remarques fusent, systématiquement, de la part d'inconnus, et Duna se la ferme, je sais pas si c'est qu'elle a lâché l'affaire ou qu'elle n'arrive plus à y répondre parce qu'ils ont fini par péter plein de trucs à l'intérieur d'elle, moi à côté, toute fraîche face à la transphobie, je réponds, je réponds toujours, et toujours mal, avec un espagnol saccadé et endomagé par l'émotion, je réponds parce que ça me fait rager, que tout le monde ait son mot à dire sur le corps de Duna. Connard, qu'est ce que t'en à foutre, de savoir ce qu'elle a entre les jambes, tu veux pas plutôt la boucler au lieu de me l'esquinter encore plus qu'elle ne l'est ?
Pourtant la question du corps, dans l'intimité, trouve son importance. Est-ce qu'une fois nue, je continuerai à voir une femme ? Que faire avec les muscles, les proportions d'un corps que j'assimile à celui d'un homme ? Comment faire l'amour avec une femme qui possède un pénis ? Et puis finalement, qu'est ce que vous voulez, vous la voyez nue, et vous faites l'amour avec cette personne incroyable que vous admirez et pour qui votre coeur et votre corps gigotent, vous faites l'amour avec cette personne, avec ce corps, non avec son genre. Puis viennent les autres questions : est-ce que l'aimer sans considérer son genre, c'est la trahir ? Renier son identité ? N'est ce pas faire preuve de violence que d'abstraire son genre aux sentiments qu'on lui porte ?
La route est longue !
Dimanche 21 février 2016 à 18:51

Depuis le treize novembre, je reste en suspens. Je recherche du sens, encore. Je parcours, je détricote, je raisonne - je m'interroge. Organiser ma rage, voilà la seule chose que je peux faire, heureusement que j'ai quitté la France, son ronron sournois et cabotin qui en nous peu à peu s'enracine. De loin j'observe la France - est ce que je me sens encore vraiment française ? De loin j'observe la France, sa clameur, son engorgement, ses obsessions. Je ne me reconnais pas, je ne nous reconnais pas dans les bavardages qui occupent l'information. On est où nous, vers où se diriger, vers quelle forme d'engagement aller, quand on est jeune, désoeuvré mais pas méchant, dans un pays où la seule alternative politique est celle de l'intolérance et de l'indifférence, vaguement maquillées sous un vernis fraternel fallacieux ? Il nous faut récupérer l'espace public, parler, lire, écrire, ils nous faut faire de la politique, dire nos méandres et nos flottements, les faire entendre, défendre notre joie, trouver des sentiers, des chemins de terre battue à emprunter. Il y a ce monde à inventer, de nouvelles formes de citoyenneté à construire, une nouvelle identité à forger, de nouveaux moyens d'information à façonner, notre indépendance à bâtir - et un ordre imperturbable et vertical à renverser. Nous devons recouvrer notre raison, former notre résistance, nous devons nous défendre.

Je suis seule dans la maison de la Grande Hélène.
Fin février et ça sent déjà le printemps : je passe du canapé au jardin, et pendant ce temps elle chante je ne sais où dans la région. Sur les vieilles pierres du mur je cherche les traces des danses d'Hélène. La lumière flotte dans la cuisine, caresse le sol et adoucit les angles. J'écoute la maison vivre. L'atmosphère est légère, tellement légère, plus rien ne bouge, je me baigne dans l'attente de la maitresse des lieux. Ce soir Hélène sera de retour, elle ne sait pas encore que je suis là, à fabriquer un mobile pour son salon avec de vieux sarments et quelques uns de mes éternels bateaux en papier. Comme une bonne épouse que je ne suis pas, je ferai peut-être cuire des légumes dans son four. J'irai voir mon père, dans la maison de son Hélène, je lui dirai que je travaille tranquillement dans le jardin, avant de revenir à mes mobiles en passant par le chemin qui contourne la vigne de Gaston, d'où on voit le village ensoleillé, son clocher en pleine lumière et les toits bruns enchâssés les uns aux autres.
Et les amandiers en fleurs.
Je veux mes ailleurs, coûte que coûte, je veux les Andes et la brousse, les grands lacs et les déserts, mais rien à faire, la terre natale, la terre aimée, reste si douce et bienveillante face au monde. La rudesse du sol et du cep de vigne, les entailles de sécateur, le soleil qui brûle la nuque et les joues, la poussière mélangée à la sueur lorsque midi sonne, les branches d'olivier qui sont trop hautes et trop lourdes, la tramontane qui assèche la bouche et traverse la laine.
Sans cesse j'y reviens, je déserte la ville pour enchaîner les trains et rejoindre les collines, apercevoir le canal du Midi par la fenêtre, le cœur battant de sentir le soulagement qui s'annonce : pied à terre, l'air emplit mes bronches, et je pars sur le bord de la route le pouce en l'air. J'arrive au village, égrenne les maisons et les visages. Je retrouve la place et ses guitares manouches, au loin j'aperçois le chat gris, quelques Anglais amusés, puis mon père, Hélène, Camille, Marie, Gaston. Le clocher sonne, il est six heures, l'heure des retrouvailles. On me fait passer un verre de vin, un joint et des olives, on chante chanson pour fêter les retrouvailles que je bénirais cent fois si je le pouvais. Si le temps s'y prête, j'enlève mes chaussures, je danse au son de la guitare de Camille qui me regarde en souriant dans sa moustache. Ça vit, ça frappe des mains, Arnaud revient de la vigne et Lola de ses ménages. On me parle occitan, je réponds en français, je retrouve mes souffles, je reprends ma place. Et la fin de février vient poser son empreinte, vient promettre le retour du printemps puis celui de l'été. Je recouvre mon état sauvage, indocile, originel.
Par la fenêtre, le soleil se couche déjà. Bientôt Hélène rentrera, et chez elle aussi, je suis chez moi.